Plus que jamais, l’économie verte ne doit pas être perçue comme un luxe écologique pour le Burkina Faso. Aujourd’hui, elle représente beaucoup plus un choix stratégique pour la souveraineté économique, la cohésion sociale et la protection du bien être des générations futures. En combinant intelligemment durabilité et indépendance, le Burkina Faso peut tracer sa propre voie : celle d’un développement responsable, ancré en premier lieu dans ses ressources et porté par sa communauté.
En effet, face à la déforestation, à la dégradation des sols et aux impacts du changement climatique, le Burkina Faso se trouve à la croisée des chemins. Dans un monde où les États privilégient de plus en plus leurs intérêts nationaux, le pays doit inventer sa propre stratégie de résilience et d’autonomie.
Aux États-Unis, le slogan « America First » s’est finalement traduit par une réorientation de l’aide étrangère vers des priorités géopolitiques d’intérêt pour le nation américaine. Le Brexit, au Royaume-Uni, a été motivé par la volonté de reprendre un certain contrôle des décisions économiques et commerciales. En Inde, la politique « Atmanirbhar Bharat », lancée en 2020, vise l’autosuffisance en réduisant la dépendance aux importations. De son côté, la Chine mise de plus en plus sur une autosuffisance industrielle renforcée, notamment dans les secteurs technologiques.
Dans la pratique, ces exemples dévoilent l’une des réalités mondiales actuelles qui se cachent derrière les discours de globalisation : la souveraineté économique redevient une priorité stratégique.
Pour le Burkina Faso, cette souveraineté pourrait passer par un développement qui concilie durablement économie, environnement et autonomie nationale.
L’agriculture durable, fondement de la sécurisation des revenus ruraux et de la résilience
L’agriculture occupe une place centrale dans l’économie nationale, occupant près de 80 % de la population active (FAO, 2023). Pourtant, près de la moitié des terres arables (46 %) sont dégradées, selon la Contribution Déterminée au niveau National révisée (SP/CNDD, 2025). L’Étude sur la situation de référence des terres dégradées (MAAH, 2018) évalue à 6,5 millions d’hectares, soit 24 % du territoire, la superficie déjà fortement dégradée.
Promouvoir donc des pratiques agricoles durables – agroforesterie, reboisement communautaire, techniques de conservation des sols – devient alors une priorité. Ces approches renforcent les rendements, sécurisent les revenus des ménages ruraux et améliorent la résilience des communautés face aux sécheresses, à la variabilité climatique et la variabilité des positions des partenaires internationaux.
L’énergie solaire, un pilier d’autonomie énergétique
L’accès à l’énergie demeure l’un des défis majeurs du développement. Depuis les indépendances, le coût de l’énergie grève la compétitivité des secteurs de l’entreprise et de l’industrie. En termes d’accès, en 2023, le taux national d’électrification est estimé à 26,29%, avec un écart marqué entre le milieu urbain (87,04%) et le milieu rural (7,02%) (AfDB, 2023 ; ARSE, 2024). Pour inverser les tendances, le pays investit dans les énergies renouvelables, notamment le solaire. La centrale de Zagtouli (33 MW) produit plus de 56 GWh par an, et l’ensemble des infrastructures solaires dépassent désormais 300 GWh/an (MEEA, 2023).
Ces projets diminuent la dépendance aux importations d’hydrocarbures, réduisent les coûts énergétiques et posent les bases d’une souveraineté énergétique durable.
L’économie verte circulaire, moteur d’emplois et d’innovation
L’économie circulaire offre un potentiel encore sous-exploité. En valorisant les ressources locales et les déchets (plastiques, agricoles, textiles), le pays peut stimuler la production locale tout en limitant les importations. Selon le PAGE (2023), le verdissement des filières industrielles pourrait créer près de 200 000 emplois d’ici 2032, dont des milliers dans l’hébergement durable (5 500 emplois) et la restauration écoresponsable (63 900 emplois).
Des initiatives locales émergent déjà : recyclage du plastique à Ouagadougou, transformation de résidus agricoles en biogaz, ou encore artisanat éco-conçu. Autant d’exemples d’un développement sobre, créateur de valeur et respectueux de l’environnement.
L’économie verte pour une souveraineté nationale accrue
Au-delà des aspects écologiques, l’économie verte est un instrument de souveraineté nationale. Elle renforce les capacités locales de production, diversifie les sources de croissance et prépare le pays à affronter les crises énergétiques ou alimentaires mondiales.
Pour y parvenir, le Burkina Faso doit mobiliser une volonté politique forte :
Ainsi, en ancrant son développement dans une vision d’économie verte, inclusive et souveraine, le Burkina Faso pourrait tracer une voie novatrice : celle d’une économie durable, résiliente et librement maîtrisée.
Références
Banque Africaine de Développement (AfDB). (2022). Burkina Faso: Interim Country Strategy Paper (I-CSP) 2022–2025 – Combined Country Portfolio Performance Review (CPPR). https://www.afdb.org/en/documents/burkina-faso-interim-country-strategy-paper-i-csp-2022-2025-combined-country-portfolio-performance-review-cppr
GTAI. (2022). Burkina Faso – Interim Country Strategy Paper (I-CSP) 2022–2025 (PDF version). https://www.gtai.de/resource/blob/932258/c3124256cab035db203e9656dd76a36a/PRO20221208932256.pdf
Autorité de Régulation du Sous-secteur de l’Électricité (ARSE). (2024). Rapport d’activités 2024. ARSE. https://www.arse.bf/wp-content/uploads/2025/08/Rapport-dactivite-2024.pdf
Partnership for Action on Green Economy (PAGE). (2023). Modélisation des emplois verts dans le secteur du tourisme au Burkina Faso. PAGE.
Secrétariat Permanent du Conseil National pour le Développement Durable (SP/CNDD). (2021). Contribution Déterminée au niveau National (CDN) révisée du Burkina Faso. UNFCCC. https://unfccc.int/sites/default/files/NDC/2022-06/Rapport%20CDN_BKFA.pdf
Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI). (2016). Industrie verte au Burkina Faso : Évaluation et perspectives de développement. UNIDO. https://www.unido.org/sites/default/files/2016-02/REPORT-BURKINA_FASO_0.pdf
Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) & PAGE. (2018). Stratégie nationale d’économie verte du Burkina Faso 2018–2027. UN-PAGE. https://www.un-page.org/knowledge-hub/burkina-faso-national-strategy-for-a-green-economy
Green Finance Platform. (2020). Politiques d’économie verte inclusive et transformation structurelle au Burkina Faso. https://www.greenfinanceplatform.org/sites/default/files/downloads/resource/REPORT%20ON%20INCLUSIVE%20GREEN%20ECONOMY%20POLICIES%20AND%20STRUCTURAL%20TRANSFORMATION%20IN%20Burkina%20Faso_FIN.pdf
Global Green Growth Institute (GGGI). (2020). Revue des systèmes MRV existants au Burkina Faso. https://gggi.org/wp-content/uploads/2020/11/20203_BurkinaFaso_Del1_FR_v03_JM_Web.pdf